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Le cabinet du professeur El Yazid Mouhcine à la prestigieuse Clinique La Prairie, sise Avenue du Théâtre à Lausanne, ne désemplit pas, en témoignent les journées de rendez-vous bien remplies avec des patients de Suisse et d’ailleurs.
Malgré un emploi du temps chargé, la porte du cabinet du professeur El Yazid est toujours ouverte pour les "enfants du bled", principalement pour les étudiants de l’École polytechnique fédérale de Lausanne en quête d’assistance pour trouver un logement, engager une procédure administrative ou trouver une solution à un problème au sein de l’institution universitaire.
A chacune de ces rencontres, M. Mouhcine se remémore ses souvenirs de jeunesse et voit défiler son vécu de jeune Marocain arrivé à Lausanne en 1993 armé d’ambition pour tracer son chemin sur la voie de la réussite scientifique et médicale. Des décennies plus tard, le professeur est devenu l'adresse officieuse pour un soutien social, financier et psychologique pour les Marocains de Lausanne et de Suisse en général.
L’histoire d’El Yazid en Suisse est différente. Elle est liée à une famille suisse de Zurich, qui entretenait une amitié forte et profonde avec le Maroc et visitait régulièrement le pays, et à sa famille à Guelmim. Séduits par l'authenticité et l'hospitalité du pays, ces visiteurs ont volontairement apporté leur soutien moral et matériel à l'enfant qu’il était pour qu’il suive le chemin d’un avenir professionnel prospère.
Après des études primaires à l'école Lemtouna et un parcours avec quelques accroches au lycée, le jeune El Yazid réussit son entrée à la Faculté de médecine de Casablanca et décroche son diplôme en 1991. A la fin de sa formation à l'Hôpital de Laâyoune, de nouveaux horizons se sont ouverts à lui en Europe avec une spécialisation en orthopédie et en chirurgie articulaire. Le chemin n'est pas de tout repos car le système éducatif suisse limitait l'accès aux études supérieures spécialisées aux citoyens suisses.
Grâce à son deuxième père et parrain, Jean-Pierre Landolt, pharmacien avec grade de colonel dans l'armée, les portes de l’université lui ont été ouvertes. Sa quête pour développer ses compétences dans diverses sous-spécialités liées aux os l'a conduit aux institutions universitaires de Lausanne à Bruxelles, en passant par Bordeaux, la Pologne et Helsinki.
Ce parcours sous la supervision d'éminents spécialistes internationaux l’a mené à l'hôpital universitaire de Lausanne, où le médecin a bataillé pour obtenir l’équivalence du grade de professeur, un titre habituellement réservé aux titulaires d'un doctorat suisse.
Alliant enseignement et pratique, El Yazid a obtenu une reconnaissance retentissante pour ses compétences et l'élève est devenu l'égal de l'enseignant. Interrogé sur son approche thérapeutique, Pr Mouhcine note qu’il s’agit de bien plus qu’une approche purement technique, acquise grâce aux études et à la formation.
En effet, explique-t-il, l’écoute et l'interaction diffèrent d'un patient à l'autre et la mission ne se limite pas à une simple intervention chirurgicale, mais comprend également le suivi et l'anticipation des complications possibles.
La gloire l’a-t-elle changé ? Que nenni !, assure le professeur, que l’on rencontre lors d’événements sociaux entouré d’amis de tous âges et de tous groupes, un sourire rayonnant aux lèvres.
“Quand on part de zéro et que l’on grandit dans un environnement qui reconnaît les cadeaux du destin, on est préparé à tout perdre”, dit-il, en évoquant les difficultés qui ont marqué son parcours et lesquelles ont été exacerbées par la perte de son père à l’âge de six ans.
La proximité du professeur Mouhcine avec les milieux aisés suisses ne lui a pas fait oublier son enfance dans un milieu populaire pauvre, où les portes des voisins restaient ouvertes, les mères du quartier étaient celles de tous les enfants, et la solidarité était une réalité quotidienne.
A Lausanne, ou à Guelmim et partout au Maroc, donner est une pratique qui suscite à la fois un sentiment de joie et de devoir. Pr Mouhcine en est l’illustration comme en témoigne son engagement pour la création d’un centre d'oncologie dans sa ville natale après avoir perdu sa sœur en raison d’un diagnostic tardif de la maladie.
El Yazid a mobilisé une équipe de ses collègues pour donner volontairement les cours à la nouvelle Faculté de médecine de Laâyoune et a même apporté du matériel de laboratoire pour améliorer l'équipement pédagogique.
A Lausanne, El Yazid a été à l'avant-garde des initiatives collectives visant à faciliter l'intégration des Marocains et à renforcer leur participation au développement de leur pays d'origine. Il est également membre fondateur de l’Association des cadres d'origine marocaine en Suisse (ACOMS) et président de l’Alliance Suisse Maroc. C’est donc en toute logique que sa nomination en tant que consul honoraire du Maroc à Lausanne a mis en lumière l'histoire de cette généreuse activité.
Sur la question de l’identité, Pr El Yazid est conscient de sa marocanité et fier de son lieu de naissance. Il reste également fidèle à sa famille suisse, qui l'a adopté avec une générosité et une humilité sans limites. Marié à une Suissesse et père d’enfants suisses au sang marocain, il possède les codes qui lui ont permis de déconstruire les symboles culturels et les relations sociales dans le pays d’accueil, mais il répète que les gens sont les mêmes partout, et que les valeurs du bien et du mal sont éternellement polarisées. El Yazid veut vivre entouré de ceux qu'il aime, mais le lieu importe peu pour lui.
"Chaque fois que je rencontre un garçon - ou une fille - au début de leur expérience migratoire, j'ai une envie réprimée de lui dire: mon fils, retourne vite dans ton pays avant que le temps ne te dévore". C’est comme s’il reconnaissait à contrecœur qu’en dépit de ses avantages, l’immigration implique une sorte de rupture.
Par Par Nizar Lafraoui
Malgré un emploi du temps chargé, la porte du cabinet du professeur El Yazid est toujours ouverte pour les "enfants du bled", principalement pour les étudiants de l’École polytechnique fédérale de Lausanne en quête d’assistance pour trouver un logement, engager une procédure administrative ou trouver une solution à un problème au sein de l’institution universitaire.
A chacune de ces rencontres, M. Mouhcine se remémore ses souvenirs de jeunesse et voit défiler son vécu de jeune Marocain arrivé à Lausanne en 1993 armé d’ambition pour tracer son chemin sur la voie de la réussite scientifique et médicale. Des décennies plus tard, le professeur est devenu l'adresse officieuse pour un soutien social, financier et psychologique pour les Marocains de Lausanne et de Suisse en général.
L’histoire d’El Yazid en Suisse est différente. Elle est liée à une famille suisse de Zurich, qui entretenait une amitié forte et profonde avec le Maroc et visitait régulièrement le pays, et à sa famille à Guelmim. Séduits par l'authenticité et l'hospitalité du pays, ces visiteurs ont volontairement apporté leur soutien moral et matériel à l'enfant qu’il était pour qu’il suive le chemin d’un avenir professionnel prospère.
Après des études primaires à l'école Lemtouna et un parcours avec quelques accroches au lycée, le jeune El Yazid réussit son entrée à la Faculté de médecine de Casablanca et décroche son diplôme en 1991. A la fin de sa formation à l'Hôpital de Laâyoune, de nouveaux horizons se sont ouverts à lui en Europe avec une spécialisation en orthopédie et en chirurgie articulaire. Le chemin n'est pas de tout repos car le système éducatif suisse limitait l'accès aux études supérieures spécialisées aux citoyens suisses.
Grâce à son deuxième père et parrain, Jean-Pierre Landolt, pharmacien avec grade de colonel dans l'armée, les portes de l’université lui ont été ouvertes. Sa quête pour développer ses compétences dans diverses sous-spécialités liées aux os l'a conduit aux institutions universitaires de Lausanne à Bruxelles, en passant par Bordeaux, la Pologne et Helsinki.
Ce parcours sous la supervision d'éminents spécialistes internationaux l’a mené à l'hôpital universitaire de Lausanne, où le médecin a bataillé pour obtenir l’équivalence du grade de professeur, un titre habituellement réservé aux titulaires d'un doctorat suisse.
Alliant enseignement et pratique, El Yazid a obtenu une reconnaissance retentissante pour ses compétences et l'élève est devenu l'égal de l'enseignant. Interrogé sur son approche thérapeutique, Pr Mouhcine note qu’il s’agit de bien plus qu’une approche purement technique, acquise grâce aux études et à la formation.
En effet, explique-t-il, l’écoute et l'interaction diffèrent d'un patient à l'autre et la mission ne se limite pas à une simple intervention chirurgicale, mais comprend également le suivi et l'anticipation des complications possibles.
La gloire l’a-t-elle changé ? Que nenni !, assure le professeur, que l’on rencontre lors d’événements sociaux entouré d’amis de tous âges et de tous groupes, un sourire rayonnant aux lèvres.
“Quand on part de zéro et que l’on grandit dans un environnement qui reconnaît les cadeaux du destin, on est préparé à tout perdre”, dit-il, en évoquant les difficultés qui ont marqué son parcours et lesquelles ont été exacerbées par la perte de son père à l’âge de six ans.
La proximité du professeur Mouhcine avec les milieux aisés suisses ne lui a pas fait oublier son enfance dans un milieu populaire pauvre, où les portes des voisins restaient ouvertes, les mères du quartier étaient celles de tous les enfants, et la solidarité était une réalité quotidienne.
A Lausanne, ou à Guelmim et partout au Maroc, donner est une pratique qui suscite à la fois un sentiment de joie et de devoir. Pr Mouhcine en est l’illustration comme en témoigne son engagement pour la création d’un centre d'oncologie dans sa ville natale après avoir perdu sa sœur en raison d’un diagnostic tardif de la maladie.
El Yazid a mobilisé une équipe de ses collègues pour donner volontairement les cours à la nouvelle Faculté de médecine de Laâyoune et a même apporté du matériel de laboratoire pour améliorer l'équipement pédagogique.
A Lausanne, El Yazid a été à l'avant-garde des initiatives collectives visant à faciliter l'intégration des Marocains et à renforcer leur participation au développement de leur pays d'origine. Il est également membre fondateur de l’Association des cadres d'origine marocaine en Suisse (ACOMS) et président de l’Alliance Suisse Maroc. C’est donc en toute logique que sa nomination en tant que consul honoraire du Maroc à Lausanne a mis en lumière l'histoire de cette généreuse activité.
Sur la question de l’identité, Pr El Yazid est conscient de sa marocanité et fier de son lieu de naissance. Il reste également fidèle à sa famille suisse, qui l'a adopté avec une générosité et une humilité sans limites. Marié à une Suissesse et père d’enfants suisses au sang marocain, il possède les codes qui lui ont permis de déconstruire les symboles culturels et les relations sociales dans le pays d’accueil, mais il répète que les gens sont les mêmes partout, et que les valeurs du bien et du mal sont éternellement polarisées. El Yazid veut vivre entouré de ceux qu'il aime, mais le lieu importe peu pour lui.
"Chaque fois que je rencontre un garçon - ou une fille - au début de leur expérience migratoire, j'ai une envie réprimée de lui dire: mon fils, retourne vite dans ton pays avant que le temps ne te dévore". C’est comme s’il reconnaissait à contrecœur qu’en dépit de ses avantages, l’immigration implique une sorte de rupture.
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